COVID-19 et handicap : Recommandations des organismes qui défendent les intérêts des personnes handicapées au gouvernement canadien – 24 mars 2020

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Il est impératif que le gouvernement du Canada s’occupe de toute urgence des vulnérabilités particulières des personnes handicapées et de leur famille durant la crise de la COVID-19. Les personnes handicapées représentent 22 % de la population canadienne. Bon nombre d’entre elles sont extrêmement vulnérables et ont besoin d’une aide supplémentaire pour assurer leur santé et leur sécurité en ce moment.

Certaines personnes handicapées sont vulnérables à la COVID-19 en raison de la nature de leur handicap et de problèmes de santé connexes. De nombreuses autres sont vulnérables en raison des mesures mises en place en réponse à la COVID-19 qui prévoient que les personnes handicapées et leur famille se distancent de leurs communautés et de leurs réseaux de soutien. De plus, elles doivent investir des sommes d’argent à l’avance pour obtenir des articles nécessaires au maintien de leur bien-être pendant une période prolongée d’isolement.

Si le système de santé du Canada devient surchargé en raison de la COVID-19, la plupart des directives de triage feront en sorte que les personnes handicapées se verront refuser des soins. Ces personnes se verront refuser des soins uniquement en raison de leur handicap. C’est ce qui s’est passé pendant les pandémies de SRAS et de grippe H1N1, et rien ne nous porte à croire que les directives sont différentes. Les Canadiennes et Canadiens vivant avec un handicap peuvent se voir refuser l’utilisation de ventilateurs ou d’équipement de maintien des fonctions vitales en période de crise uniquement parce qu’elles ont un handicap. Cette politique discriminatoire est inquiétante.

Le stress des familles et la réduction du personnel auxiliaire posent déjà un problème alors que les écoles, les garderies et les services de loisirs sont fermés et que les enfants et les adultes vivant avec un handicap doivent rester à la maison et compter sur leur famille ou sur du personnel. Tandis que les habitudes de vie se transforment à la faveur de l’éloignement social, les personnes handicapées ont besoin d’aide pour trouver des solutions de rechange afin de conserver leur autonomie, leur santé et leur sécurité au quotidien. Pour certaines personnes, ce changement s’avérera non seulement difficile à gérer, mais impossible à organiser de manière individuelle.

En fait, les membres de la famille doivent prendre le relais et négliger leurs autres priorités et sources de revenus afin de combler l’écart de soutien aux personnes handicapées pour leur proche. Ils absorbent personnellement et par nécessité le coût de la COVID-19 et ils sont terrifiés à l’idée de ce qui arrivera s’ils sont eux-mêmes infectés par le virus et doivent se placer en quarantaine. Les personnes handicapées et leur famille ont besoin d’une aide financière immédiate.

Les personnes vivant en groupe ont également des besoins changeants qui doivent dans l’ensemble être comblés à l’intérieur des résidences, à la volée et avec peu de directives ou de ressources de la part des organismes de santé et des gouvernements. Il est évident qu’il y a maintenant une pénurie de personnel en raison de la concentration des besoins et alors que des membres du personnel s’auto-isolent pour assurer leur propre protection. De plus, le personnel peut craindre de devenir malade ou d’être un vecteur de transmission de la COVID-19, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du lieu de travail.

Le Canada doit relever le défi lancé par la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées, soit celui d’assurer la continuité des soins, d’apporter de l’aide financière et d’affirmer que la survie des personnes handicapées est une priorité[1].

Nous recommandations donc au gouvernement canadien de* :

 

Convenues en fonction des sept grandes priorités
de la communauté des personnes handicapées      

 

  1. Publier un énoncé de valeurs national explicite affirmant l’égalité des droits des personnes handicapées aux traitements et aux soins médicaux disponibles, y compris lors du triage en situation de pandémie, et, de façon générale, réaffirmer l’engagement du Canada envers le droit des personnes handicapées à l’égalité et à l’inclusion, comme énoncé dans la Charte, le droit provincial/fédéral/territorial en matière de droits de la personne, et les obligations internationales du Canada en vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées.
  2. S’assurer que toutes les déclarations du premier ministre et de l’Agence de la santé publique sont mises à la disposition du public et sont formulées en langage clair, et que tous les réseaux qui diffusent ces déclarations présentent obligatoirement ces éléments d’accessibilité[2].
  3. Publier des directives à l’intention des fournisseurs de services et des personnes handicapées qui doivent continuer à interagir avec des fournisseurs de services pour assurer la sécurité de chacun et le maintien de l’aide nécessaire. Fournir de l’équipement de protection comme des gants et des masques, et prioriser le dépistage du personnel de soutien et des soignants personnels dans les résidences privées et les centres de soins[3]. Encourager les provinces et les territoires à reconnaître les soignants et le personnel de soutien aux personnes handicapées comme des fournisseurs de services essentiels.
  4. Mettre sur pied un groupe de travail citoyen composé de personnes handicapées, de membres de leur famille et d’organismes de la société civile pertinents pour suivre l’évolution des besoins et recommander des stratégies d’intervention en temps réel, alors que les conséquences néfastes des politiques qui touchent le soutien et la prestation de soins essentiels liés aux handicaps deviennent évidentes. À long terme, après la pandémie de COVID-19, ce groupe pourrait contribuer à l’élaboration d’un plan d’intervention d’urgence fédéral intégrant la question des handicaps en cas de pandémie ou de toute autre situation de crise nationale.
  5. Protéger les revenus des personnes handicapées et de leur famille. Aider les entreprises qui engagent des personnes handicapées en les informant sur la meilleure façon de prévoir des mesures d’adaptation et de travail à domicile accessibles pour leur personnel. Étendre les prestations d’assurance-emploi pour les soignants aux personnes qui prennent le relais à la suite d’une maladie ou d’un isolement en raison de la COVID-19.
  6. Entrer en contact avec les différentes communautés autochtones du Canada pour évaluer la situation d’intervention actuelle et déterminer les besoins essentiels en matière de santé et de handicap de leurs membres vivant avec un handicap et la meilleure façon de combler ces besoins. Mettre en œuvre une stratégie de communication globale pour s’assurer que les communautés autochtones et leurs membres reçoivent l’information de manière opportune et accessible.
  7. Transférer aux provinces et territoires des fonds destinés aux besoins de santé et de soutien des personnes handicapées. Travailler en collaboration avec les provinces et territoires afin de favoriser des approches réfléchies en matière d’inclusion des personnes handicapées à travers le pays.

 

D’autres mesures qui seraient fortement souhaitables     

 

  1. Réglementer l’industrie des assurances pour interdire l’exclusion des prestations de santé pour des raisons qui ont des répercussions défavorables sur les personnes handicapées canadiennes pendant d’une pandémie[4].
  2. Augmenter le financement de crise des organismes sans but lucratif qui fournissent des services aux personnes handicapées, considérant que leurs revenus provenant d’activités de financement seront gravement compromis.
  3. Mettre en place un numéro d’urgence accessible avec des options d’accès par message texte ou courriel pour aider les personnes canadiennes vivant avec un handicap et leur famille à s’orienter à travers les nouvelles préoccupations et les mesures de soutien novatrices durant la pandémie de COVID-19.

Et que le gouvernement fédéral joue un rôle de chef de file en collaboration avec les provinces et territoires et les organismes de réglementation pertinents pour :

  1. S’assurer que toute méthode de triage à l’échelle provinciale ne soit pas discriminatoire à l’égard des personnes handicapées. Chaque Canadienne et Canadien, peu importe où elle ou il habite, doit avoir accès à toute l’aide nécessaire pour survivre à la COVID-19.
  2. S’assurer que toutes les communications liées à la pandémie publiées par les gouvernements provinciaux et territoriaux et les autorités sanitaires sont entièrement accessibles et rédigées en langage clair et que tous les réseaux qui diffusent ces déclarations sont tenus de prendre en compte ces caractéristiques d’accessibilité.
  3. Décréter la protection de l’emploi des personnes handicapées qui ne sont pas en mesure de remplir leurs fonctions en raison des risques accrus de contagion et/ou d’autres obstacles sociétaux (problèmes de transport, par exemple) ainsi que des membres de la famille et d’autres personnes qui négligent leur travail pour fournir des soins durant la crise de la COVID-19.
  4. S’assurer que les hôpitaux font exception à toute interdiction générale de visite lorsqu’une personne handicapée a besoin d’aide pour des services essentiels comme la communication, les soins ou la prise de décision avec accompagnateur.
  5. Considérer que les personnes qui fournissent du soutien et des services aux personnes handicapées et/ou qui travaillent dans des domaines comme la maintenance des fauteuils roulants et la suppléance à la communication pour les personnes qui ont besoin de dispositifs de communication participent à des services essentiels qui doivent demeurer accessibles.
  6. Empêcher la rétraction de tout financement non réclamé visant des services comme l’aide personnelle ou la thérapie qui peuvent être annulés par l’une ou l’autre des parties en raison de la COVID-19 (en cas de maladie ou de prévention de la maladie). Des solutions possibles comprennent entre autres de reconduire ces fonds et/ou d’assouplir les obligations en matière de rapport afin que les personnes handicapées et leur famille puissent exercer leur discrétion quant à l’utilisation de ces fonds en temps de crise.
  7. Offrir des sites de dépistage de la COVID-19 accessibles, y compris pour les personnes qui ont besoin d’aide à la mobilité et celles qui ne conduisent pas ou qui n’ont pas accès à un véhicule.
  8. Consentir des avances sur toutes les prestations d’invalidité afin de permettre aux personnes handicapées et à leur famille de faire des provisions de nourritures et de fournitures médicales; d’apporter les changements nécessaires aux mesures de soutien des personnes handicapées et aux technologies d’assistance pertinentes; et de continuer à payer leurs factures courantes.

  9. Assouplir temporairement les règles d’approvisionnement en médicaments sur ordonnance, y compris les substances réglementées. Des solutions pourraient comprendre d’autoriser les pharmaciens à renouveler les ordonnances durant la crise de la COVID-19 ou de permettre aux médecins de renouveler les ordonnances par téléphone.
  10. Aider les personnes handicapées à accéder à des services communautaires en santé mentale durant la pandémie de la COVID-19.

D’autres ressources et renseignements sont disponibles aux adresses suivantes :

International Disability Alliance à : http://www.internationaldisabilityalliance.org/covid-19 (international)
Partnership for Inclusive Disaster Strategies: https://mailchi.mp/disasterstrategies/covid19-national-call-to-action-org-support150 (États-Unis)
Centre for Research Excellence in Disability and Health: https://credh.org.au/news-events/covid-19-and-people-with-disabilities/ (Australie)
Organismes représentants des personnes handicapées endossés par l’Australie : https://mcusercontent.com/9b4dc5c4cde2d6162dcb52396/files/d314e3a2-38d0-4e7c-8953-5e149ea6ffc8/Urgent_actions_needed_for_people_with_disability_to_respond_to_COVID_19.pdf (Australie)
ONU Info : https://news.un.org/en/story/2020/03/1059762 (international)

Ces recommandations sont présentées par :

Abilities Centre
Active Living Alliance for Canadians with a Disability
Alliance for Equality of Blind Canadians
ARCH Disability Law Centre
Barrier free Canada / Canada Sans Barrière
British Columbia Aboriginal Network on Disability Society
Canadian Association for Community Living / Association canadienne pour l’intégration communautaire
Canadian Association of the Deaf / Association des Sourds du Canada
Canadian Autism Spectrum Disorder Alliance
Canadian Council of the Blind
Canadian Council Rehabilitation Work
Canadian Disability Participation Project
Canadian Hard of Hearing Association
CNIB Foundation
Communication Disabilities Access Canada
Council of Canadians with Disabilities / Conseil des Canadiens avec déficiences
DisAbled Women’s Network of Canada / Réseau d’action des femmes handicapées du Canada (DAWN-RAFH Canada)
Empower, The Disability Resource Centre
Every Canadian Counts Coalition
Family Support Institute of BC
Inclusion BC
Inclusion Winnipeg Inc.
Independent Living Canada
Independent Living Nova Scotia
L’Arche Canada
March of Dimes Canada / Marche des dix sous du Canada
Muscular Dystrophy Canada / Dystrophie musculaire Canada
National Network of Mental Health / Réseau national pour la santé mentale
People First of Canada
Pooran Law
Quebec Accessible
Realize
Rick Hansen Foundation
Spinal Cord Injury BC
Spinal Cord Injury Canada / Lésion Médullaires Canada
The Living in Place Campaign
The Older Women's Network

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[1] Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées :

https://news.un.org/fr/story/2020/03/1064212

 

* Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive de tout ce qui peut et doit être fait pour venir en aide aux personnes handicapées au Canada durant la pandémie de COVID-19. Il s’agit de recommandations sur lesquelles le gouvernement doit prendre appui en collaboration avec les personnes handicapées alors que se déploient les réactions à la pandémie et que de nouveaux besoins se précisent.

 

[2]  Les Nations Unies recommandent que, durant la pandémie de COVID-19, « [l]es campagnes prodiguant des conseils et les informations émanant des autorités sanitaires nationales [soient] mises à la disposition du public en langue des signes et dans des moyens, modes et formats accessibles, y compris la technologie numérique accessible, le sous-titrage, les services de relais, les messages texte, faciles à lire et en langage clair ». En cas d’incertitude, le Canada peut entrer en contact avec la communauté des personnes handicapées pour obtenir des lignes directrices et du soutien concernant les pratiques exemplaires en matière de communication accessible et de diffusion de renseignements.

 

[3] En tant que pratique exemplaire, ces directives devraient être élaborées en consultation avec le secteur des soins communautaires.

 

[4]  Par exemple, certaines personnes handicapées qui sont présentement à l’étranger n’ont pas l’impression de pouvoir rentrer à la maison sans risquer de s’exposer à la COVID-19. Ces personnes ne doivent pas perdre leur assurance santé en ce moment.